vendredi 30 novembre 2012



À propos de Il y a des dieux de Frédérique Ildefonse



Ceux qui ont soif de verticalité et sont dans le regret de la transcendance, gagneront à lire cet essai remarquable d’une normalienne philosophe qui parle avant tout d’une position d’analysante.
Ceux qui comme moi ne comprennent pas pourquoi Lacan utilise l’expression « les noms du père » et passe autant de temps à chercher les appellations de Dieu en particulier dans la tradition juive, trouveront dans ce livre édité au PUF un éclairage très personnel qui nous change des citations en guise d’énonciation et des références en boucle.
L’ouvrage s’ouvre sur un passage du séminaire l’Ethique de la psychanalyse : « Nous ne savons plus du tout ce que c’est que les dieux. N’oublions pas que nous sommes depuis quelque temps sous la loi chrétienne, et pour retrouver ce que c’est que les dieux, il faut que nous fassions de l’ethnographie ».
En guise de loi, il faut nous rappeler comment Lacan a indiqué que le christianisme, qui était pourtant selon lui « la vraie religion », avait chassé la loi du désir, faisant, comme Freud, non seulement du fait religieux, une illusion, mais une pathologie, une quasi « perversion » du lien social. On serait en peine aujourd’hui de dire les choses comme cela. Devant la perte de toute autorité le propos du théologien ou du rabbin nous apparaît souvent comme la seule bouée qui vaille…
Il ne s’agit pas pour l’auteur de militer pour un retour au polythéisme, au sens où nous croyons l’entendre, même si elle fait part d’expériences, au Brésil en particulier, ou de plongées dans l’Antiquité, grecque avant tout. Le cœur du livre donne la clé de lecture : « la pluralité en jeu dans le polythéisme ne se réduit pas à la pluralité des dieux, c’est-à-dire à la non unicité divine, au fait qu’il n’y ait pas un dieu unique ».
Selon une méthode qui tient pour partie à une logique formelle très argumentée et très documentée et pour une autre à l’association libre telle qu’elle se pratique sur le divan, Frédérique Ildefonse cherche à établir une pluralité irréductible qui n’a plus rien à faire avec la manière dont le monothéisme s’est imposé aux cultes qui le précédaient.
Cet ouvrage est aussi une façon de répondre à notre recherche éperdue du sens, ce que l’auteur appelle « harcèlement du sens ».
Au moment où nous étudions chez Lacan son espoir dans une écriture qui ne soit pas insensée, mais essaie simplement de nous déplacer du sens obligatoire, ce qu’on appelle sur un ton d’évidence détestable, le sens phallique, cet essai vient réellement à point et mérite notre gratitude.
Comment passe-t-on du nom d’un père cher à Freud, à l’infinie potentialité des combinaisons de la langue elle-même ? Nous avons ici, à coup sûr, une réponse engagée.

Les violences, le sexuel, l'interdit de l'inceste

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