La chasse au psychanalyste est ouverte
La ministre déléguée aux personnes handicapées vient de présenter son plan autisme pour les années à venir. Elle stigmatise sans vergogne, dans les divers entretiens à la presse, le travail des psychanalystes auprès des enfants et des patients :
« En France, depuis 40 ans l\'approche psychanalytique est partout, et aujourd\'hui elle concentre tous les moyens. Il est temps de laisser la place à d\'autres méthodes, pour une raison simple : ce sont celles qui marchent, et qui sont recommandées par la Haute Autorité de Santé ? » (Journal Le Parisien du 2 Mai).
L\'attaque a le mérite d\'être claire ; contrairement à ce que voulait faire croire l\'HAS- Haute Autorité de Santé - ses recommandations sur l\'autisme et les troubles apparentés visent bien à écarter définitivement les praticiens de formation psychanalytique des lieux de soins et de suivis.
Les questions s\'imposent. Pourquoi 40 ans ? Nul ne le sait mais il s\'agit sûrement d\'un nouvel avatar des événements de mai 68.
Pourquoi dire que la psychanalyse est partout ? Nul ne le sait, mais au-delà de la formulation étrange, c\'est faire croire que les services de psychiatrie et de pédopsychiatrie ou que les centres médico-sociaux concentrent leur activité sur des méthodes exclusivement psychanalytiques.
Quel journaliste intègre viendra enfin visiter nos services et faire une véritable investigation ?
En regard de l\'interview de la ministre déléguée un encart souligne dans le même journal que « l\'approche psychanalytique de l\'autisme, conduit invariablement à l\'internement en hôpital psychiatrique » !
C\'est dire où nous en sommes dans la Cité en guise de désinformation et tout simplement de haine.
Des dizaines de livres et des centaines d\'articles scientifiques ont fait le point sur cette question encore aujourd\'hui d\'une rare complexité, mais à l\'évidence rien n\'y fait : il faut désigner l\'ennemi intérieur, celui qui est partout et comme pour ce qui s\'écrit sur Freud, personne ne s\'étonne plus du relent nauséabond d\'une telle détestation.
La ministre déléguée a le talent de s\'approprier l\'idée du dépistage précoce des troubles. Le lecteur du journal, l\'auditeur de la radio ou le spectateur devant la télévision ne saura jamais que ce sont précisément des psychanalystes qui ont le plus élaboré les grilles de dépistage précoce de la souffrance autistique et surtout proposé des interventions qui font leurs preuves. Le ministère de la Santé le sait, comme la Haute Autorité.
Les psychanalystes ont depuis longtemps renoncé à tout expliquer de l\'autisme ou plutôt des autismes. Ils participent comme leurs collègues à des approches désormais pluridisciplinaires intégrant les méthodes éducatives si décisives pour les enfants ;
La ministre déléguée se fait ouvertement menaçante à l\'endroit du corps soignant : les moyens financiers iront aux établissements qui se mettront aux ordres. Les recrutements et la formation du personnel seront inféodés au strict respect des recommandations.
Malgré les critiques de la majorité de la profession, jusqu\'à la revue « Prescrire » tout dernièrement, le ministère semble engagé dans une guerre idéologique : en finir avec l\'inconscient !
Le « ils sont partout » devrait donner un peu d\'angoisse mais pour l\'instant par la grâce des médias, c\'est la ministre déléguée qui est effectivement partout !
Dr Jean-Jacques TYSZLER, psychiatre, psychanalyste.
* envoyé en vain au journal Le Monde