jeudi 19 janvier 2012



Le juge et la maladie mentale : tiers nécessaire ou pousse au duel ?



Du point de vue du citoyen la loi réformant les soins psychiatriques sans consentement semble incritiquable ; d’ailleurs les politiques se gardent bien de la commenter, quelque soit leur bord.
Au-delà de quinze jours une hospitalisation doit être non seulement justifiée mais peut se trouver contestée ; la liberté et les droits du patient sont ici mis en avant. A l’inverse l’hospitalisation pour péril imminent et l’obligation de soins dans le cadre des consultations répond à la demande de sécurité promue aujourd’hui par l’Etat et aussi à l’impératif de protection réclamée par les familles.
L’enjeu social n’est pas marginal : il y a environ soixante dix mille malades hospitalisés chaque année sous la contrainte ; on évalue le recours au juge à dix pour cent des cas dans une fourchette basse.
Les services se plaignent déjà des manques criants de moyens, du temps thérapeutique perdu s’ajoutant à la dérive administrative avec les évaluations incessantes et les projets d’établissements en permanente certification.
Mais le problème n’est pas technique ; le fait que le Préfet suive l’avis d’un juge et non pas d’un médecin concernant le soin de la maladie mentale est un changement complet de notre appréhension du fait clinique. Sous couvert d’un contrôle des hospitalisations abusives, c’est plutôt le regard porté sur la crise, la dangerosité, l’imprévisibilité, tout trait caractéristique de l’épisode psychotique ou d’extrême détresse, qui est déplacé du coté du droit ; le juge va libérer un patient, souvent pour un retard de certificat, une mauvaise formulation … ou bien à l’inverse s’opposer à une sortie pour un désaccord, mais sur quelle psychopathologie en partage ?
La psychanalyse fait toujours valoir la nécessité d’un tiers; ici nous avons un message paradoxal car le préfet par l’intermédiaire du juge va se substituer au praticien ; c’est notons le, le soin et le suivi qui deviennent « sous contrainte » et pas simplement l’hospitalisation comme auparavant ; le petit glissement signifiant est comme toujours porteur de la totalité du changement éthique.
Nous disons que c’est le psychiatre et l’équipe soignante qui jusqu’alors étaient en tiers pour le patient; le transfert institue cette position singulière qui permet d’écouter et de protéger parfois contre le gré du patient sans rompre le pacte.
Les nouveaux dispositifs de la loi démasquent une conception duelle de la relation médecin malade; c’est le transfert lui-même qui va s’en trouver contesté dans un champ, celui de la santé mentale, dans lequel la position du praticien n’est pas réductible aux « services des biens » pour reprendre une formule de Lacan.
Pourra t-on encore donner notre parole comme seule garantie d’un suivi au long cour ? C’est désormais peu probable.
Comme toujours le personnel de santé proteste… aux nom des moyens mis à disposition, perdant de vue la place de la folie dégradée dans la discipline. Les associations paraissent partagées sur l’analyse de la réforme ; ce que pensent les juristes ne peut qu’aider à se forger un jugement et pas seulement une opinion.

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