mardi 24 janvier 2006



"Si ma mère a aimé un homme dans sa vie, c'est son père"



(préparation des Journées "Couples", (Rome, 17 et 18 février 2006)
La parole de l'analysant nous amène toujours à la limite de ce que nous acceptons de savoir.
La résistance dans la cure est du côté du praticien a pu dire Lacan et, concernant le mot "couple", il est assuré que la sagesse résignée le disputera au normatif.
Les journées de Février à Rome préparées par Muriel Drazien et nos amis italiens, ont pour titre "Couples". Le pluriel permet d'évoquer aussi bien les jumeaux que le délire à deux en passant par la relation devenue heurtée de l'élève à l'enseignant.
Mais le coeur du signifiant couple nous amène de force à la psychopathologie de notre vie quotidienne, celle de notre conjugo qui pour finir ne semble pas notablement remaniée par un siècle de psychanalyse.
Jalousie, revendication, ressentiment, sensitivité... La clinique nous apporte les mêmes impasses que celles à l'oeuvre dans les psychoses paranoïaques.
L'aspect symptomatique du couple est-il de structure ?
Il n'y a rien à attendre du deux, s'il n'est pas pensé à partir du trois.
Cette intuition est déjà celle de Freud quand il démontre que tout ménage se fait à trois, le phallus se faisant entremetteur baladeur.
Sauf dans le mythe ou dans la folle passion, nous ne rencontrons pas notre moitié, l'âme soeur, le complément parfait, l'équation solutionnée de notre quête d'amour. La vie même d'un couple consacre à la fois cette expérience et son refoulement systématique.
Que faire de ce savoir inconvenant, que pourtant toute l'histoire de la littérature raconte ?
Dans ces interprétations qui étaient en fait des constructions, Freud croyait devoir guider ses patients vers le véritable objet de leur fantasme érotique : vous dites aimer un tel, mais c'est celle-ci que vous vous refusez !
L'avantage d'une telle position est d'ouvrir de force le champ clos du moralisme bourgeois ambiant ; le désir parce que fondamentalement transgressif, heurte les bonnes manières et les codes d'une époque.
"La morale sexuelle civilisée" reste un texte décoiffant pour qui veut le prendre au sérieux.
Le hic du courage freudien, c'est qu'il se retourne régulièrement en renoncement.
Comme si au seuil d'un possible passage, le sujet préfère baisser les bras, son désir lui parait trop sacrilège.
C'est à cet endroit qu'il faut entendre l'étonnante remarque de Lacan sur la religiosité de Freud, son amour du père.
Accorder le désir à la Loi est-ce faire trembler l'enfant devenu adulte dans la lecture obligée du drame oedipien ?
Le petit d'homme perçoit très tôt dans sa famille l'économie un peu tordue du couple parental.
Faire autrement est-ce dénoncer ?
Vivre autrement est-ce insulter ?
La cure analytique bute souvent sur cet écueil ; le patient a saisi ce que le couple charrie de semblant, d'approximation voire d'un peu de perversion ; il hésite néanmoins sur la suite à donner à ce savoir.
Roc de la castration traduisait Freud, indépassable horizon de la rivalité phallique.
À l'époque viennoise, le devoir prenait le pas sur les aléas du désir, maternité d'un côté, champs d'honneur de l'autre.
Aujourd'hui l'impératif de la jouissance redistribue les cartes.
Jouir à tout prix rend inaudible la petite voix de celle ou de celui qui ne veut plus être l'inlassable bouchon de l'impossible copule.
Si bien que contre toute attente c'est une issue désexualisée qui se propose régulièrement.
Il y a du couple, mais il est à l'avance vacciné contre la peste de la sexualité.
Cette occurrence gagne l'homosexualité comme l'hétérosexualité, ce qui prouve aussi que l'inconscient est imperméable à la prétendue révolution des moeurs.
Alors, avons-nous le regret de nos passions ?
Passions qui avaient le mérite de mettre le sexe au centre de nos vies tragi-comiques.
Tous les chemins mènent à Rome ; la psychanalyse propose-t-elle autre chose qu'un discours nostalgique ?
Il n'y a rien à attendre du deux, s'il n'est pensé à partir du trois.
Lacan ne cessera d'inventer pour que le trois tienne à lui seul ; ainsi son fameux noeud borroméen. Que le trois tienne à lui seul, c'est-à-dire sans régresser vers le deux, comme l'amour névrotique le propose sans cesse ; ni non plus se supporter du quatre, armure qui protège des folies véritables mais en normalisant, en écornant la folie du désir.

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