mardi 3 avril 2007



Le symbole à l'appel (Journées 17/18 novembre 2007)



Il représente certainement quelque chose pour quelqu'un, chose qui se trouve ainsi, en ses caractères spécifiques, condensée en sa matérialité. Drapeau de quel pays, étendard de quelle contrée, de quelles armes, de quelle Reine ? Chanson de quels territoires, quelles terres ; de quelles batailles, de quelles guerres ? Mémoire de quels temps ?
Symbole oui, mais de quoi ? Témoin et incarnation de la séparation et du rassemblement, de la reconnaissance, de la division, de la coupure et de l'emboîtement, de la suture.
S'il est évocation, parfois immédiatement saisissable, le symbole est plus difficile à définir. Signe ; emblème ; attribut ; métaphore, métonymie. Référent.
Les journées sur le don et la relation d'objet ont montré quelques dissensions entre anthropologues et psychanalystes, dissensions qui portaient sur des mots essentiels et leurs représentations. La dette et le don ; le symbolique et l'imaginaire. Une première discussion l'an dernier avec Charles Melman nous avait amené à nous interroger sur les définitions et usages du symbole au sein de diverses disciplines dans lesquelles il nous apparaissait avoir une place facilement repérable. L'ethnologie bien sûr, la linguistique, les mathématiques, l'économie, le droit, la poésie, l'histoire, la philosophie. À propos de cette dernière, François Jullien, sinologue et helléniste, répond à notre sollicitation : "...je ne suis pas totalement persuadé de ce qu'une présentation parallèle des différents domaines où la notion intervient puisse éclairer celle-ci dans son ensemble. Essayons pourtant."
Une seconde réunion au début de cette année, avec quelques praticiens des quelques disciplines évoquées cidessus, conduisait effectivement à interroger la pertinence de rassembler cette diversité. Le symbole ne semble prendre corps effectif que s'il est déterminé au sein d'une théorie, d'une doctrine, d'un système. Ainsi son appel rassemble sous la bannière de la reconnaissance, sous l'emblème qui signe une appartenance possible, le symbole unit par l'intimité qu'il semble entretenir. Mais il est également altérité, insaisissable en une définition adéquate, objective abstraction. Force d'évocation mais fragilité de son affirmation. Sa matérialité est relative mais sa puissance quasi injonctive. Un "franc symbolique" témoigne-t-il de la valeur morale ayant pris le pas sur la valeur matérielle ? Vaut-il quelque chose aujourd'hui, non pas tant du fait du souffle des euros mais justement en sa prédominance morale ; bref le symbolique du sou n'est-il pas écrasé par le réel des espèces trébuchantes, soit le qualitatif par le quantitatif ?... Alors, le symbole... ?
Nous aimerions soumettre à la lecture et au débat ce premier argument, travaillé, écrit pour des journées futures sur le symbole. Le symbole. Pas vraiment le symbolique, le symbolisme, la symbolique ; mais partir du grec to symbolon, cet "objet de reconnaissance" pour les deux messagers. Deux qui font deux et un, ou deux qui font trois, deux morceaux plus le symbole.
Voici le texte argumentaire.
Chaque discipline a sa propre définition et utilisation du symbole, gardant souvent de son étymologie sa double valence de séparation et de réunion, de division et de rencontre.
Garant de l'échange marchand avant la monnaie, le symbole reste un opérateur comme l'est son écriture pour les mathématiques et la logique.
En première approximation, dans le champ de la psychanalyse le symbole semble à situer entre le signe et le signifiant.
Ainsi parle-t-on des emblèmes d'une monarchie, des attributs du pouvoir, des insignes du père.
Lacan, travaillé par la linguistique, utilise une série de termes voisins mais distincts : la trace, le trait, l'insigne, le signe, le signifiant...
Le symbole n'est ni icône ni drapeau mais à contrario, soustraction, négativité du trop d'identité, point de manque dans le sujet et dans ce sens condition de l'émergence du désir.
Dans le séminaire Le transfert, Lacan nomme le seul signifiant dont il puisse dire que c'est un symbole, le phallus qu'il écrit ?.
La signification phallique unit la sexualité et le langage pour les disjoindre selon les modalités que la clinique révèle - névrose, psychose et perversions.
Mais toute définition du symbole a son impossible, son réel en quelque sorte : nous disons régulièrement et avec la même assurance une chose et son contraire : il y a trop de symboles ! Tous ces textes et ces lieux sacrés au nom desquels la haine s'enracine. Il n'y a plus assez de symboles ! Plus assez de tiers symbolique et nos enfants sont captifs de l'agitation désordonnée qui inquiète tant aujourd'hui.
Les psychanalystes n'échappent pas à la tentation d'un appel au symbole enfin incarné, de crainte que fassent retour dans nos vies la violence, la ségrégation et la peur.
Comment ne pas mettre le symbole au service des biens pour reprendre la formule de "l'éthique de la psychanalyse" ?
Notons enfin la dérive progressive du symbole vers des formes e privatisation marchande, les marques et les logos ; le symbole devient image, comme nos politiques en abusent à loisir.
Alors sommes-nous encore capables de parler du symbole ?

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