mardi 21 décembre 2004



Conte de Noël (en préparation des journées sur le don)



Un grand laboratoire japonais mettrait au point, dans le plus grand secret, une puce électronique capable de provoquer la stricte simultanéité de la jouissance de deux partenaires. Cette découverte majeure a pour nom de code le fantôme.
Mieux vaut éviter de mettre au pied du sapin le séminaire de Jacques Lacan La logique du fantasme ; il est devenu obsolète.
Exit l'historiole du phallus que la femme n'aurait pas. Oublié le don de ce qu'on n'a pas et que des poètes rustiques appellent amour.
La jouissance féminine que Lacan dit "causa sui" et qui est aussi la cause de son désir est une fable pour psychanalystes français et argentins.
Nous renvoyons l'internaute, amateur de manuscrits au charme désuet, à la leçon du 1er mars 1967.
Le mot même, "le don" apparaît aujourd'hui suspect. En dehors des cadeaux et des associations humanitaires, qu'évoque encore ce thème ?
La langue pourtant véhiculait une hétérogénéité surprenante : la femme disait-on, se donne alors que l'homme donne son nom.
La phrase sonne comme une ringardise.
Que s'est-il produit dans l'évolution des moeurs pour qu'un beau mot devienne gros mot ?
Il faudrait évoquer le lent dépérissement de la notion d'alliance et de pacte au profit du moderne contrat. Ainsi en son article 25, la Grande Charte, accordée par le roi Jean en l'an 1215, précise : "Un tenancier libre ne pourra pas être mis à l'amende pour de petites fautes, mais seulement pour les grandes, et l'amende sera proportionnée à l'infraction, sauf la subsistance dont il ne pourra être privé.
Il en sera usé de même à l'égard des marchands auxquels on sera tenu de laisser ce qui leur sera nécessaire pour entretenir leur commerce."
Cette tempérance, toute british, est fondée sur le savoir ancestral de certains signifiants, telle la dette.
Summum jus, summa injuria, l'adage latin devrait nous mettre en garde contre la prolifération des droits et notre goût pour une justice tatillonne.
Donner, recevoir, rendre, la structure tripartite de Mauss n'est pas le propre des sociétés archaïques ou exotiques.
Elle est bien d'avantage lecture de notre rapport aux objets, notre angoisse devant tout manque, toute attente, toute castration pour le dire comme Freud.
Pour un jeune couple, la relation est désormais le plus souvent contractuelle ; à chacun sa mise et tant pis si la sexualité en pâtit comme nous pouvons l'apprendre par le divan.
L'utilitarisme ambiant ne fait plus bon ménage avec la satisfaction quoi qu'annonce la publicité.
Dans la même leçon du séminaire 1966-1967, Lacan se demande quelle marge est laissée aujourd'hui à ce qui serait le temps propre d'une culture de l'amour, dès lors que domine dans le contexte social la fonction de
"l'emploi" de l'individu, sa productivité… quelle est ta valeur ajoutée, je te dirais qui tu es ?
Le monde de l'entreprise a rendu caduques les notions même de loyauté ou de fidélité. Accepterions-nous encore qu'on puisse dire d'un salarié qu'il se donne à son travail ? Si ce n'est bien entendu pour un surcroît de salaire, de vacances ou pour une promotion, être nommé à.
Le langage de l'entreprise contamine le discours amoureux. Le contrat à durée déterminée détrône peu à peu la Sainte famille.
Faut-il en rire, faut il en pleurer ?
Au-delà de la question du don c'est la poésie du Verbe qui se trouve profondément remaniée.
Ce que nous avons reçu de l'Autre, souhaitons-nous le rendre à la vie ?
Ou bien préférons-nous coller à l'imaginaire déni-trifiant, celui qui d'une femme fait un homme, d'un homme fait une machine, d'une machine notre Dieu.
Les enfants ne croient plus beaucoup au Père Noël, mais les adultes aspirent à des mondes enchantés.

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